Entrepreneuriat social


Certaines associations prennent le tournant néolibéral marqué par la transformation des financements associatifs pour défendre l'entrée des modes de gestion du privé lucratif et la participation des associations à une économie de marché.

Dans les années 2000, la notion d’entrepreneuriat social arrive en France. L’entrepreneuriat social vient du monde anglo-saxon. Dans les années 80 en Californie, les entrepreneurs de la Silicon Valley qui ont réussi se disent qu’il serait bien d’utiliser les compétences entrepreneuriales, les techniques de management du privé lucratif, pour résoudre les questions sociales. Leurs outils de management sont efficaces dans leurs entreprises, pourquoi ne pourraient-ils pas être aussi efficaces pour résoudre les questions sociales et écologiques là où les actions publiques et associatives échouent ?

Le père du terme d'entrepreneuriat social est Bill Dayton, fondateur d'Ashoka en 1980. Cette organisation internationale encourage « l’émergence d’un monde dans lequel chaque individu et organisation devient acteur de changement ». A leurs yeux, cet acteur de changement s’incarne dans l’entrepreneuriat social ; son objectif est de conforter cette nouvelle forme hybride entre l’association et l’entreprise. Bill Dayton se présente lui-même comme l’un des premiers entrepreneurs sociaux. Il a travaillé plus de dix ans au cabinet McKinsey avant de rejoindre l’administration Carter mais il garde des liens fort avec son cabinet d’origine.

"Adapter les pratiques les plus performantes de l'économie capitaliste pour les mettre au service d'initiatives d'intérêt collectif, au sein d'associations, de fondations, de coopératives, de mutuelles ou d'entreprises socialement responsables ", c'est le défi que se donne la chaire Entrepreneuriat social au sein de l'ESSEC à sa création en 2001.

En France, l’entrepreneuriat social est notamment représenté par le groupe SOS. Pour Jean-Marc Borello, le patron du Groupe SOS, qui représente la locomotive de l’entrepreneuriat social en France voire en Europe, le modèle associatif « arc-bouté sur le principe non-lucratif apparaît à présent inadapté aux exigences actuelles et de moins en moins dépositaire de l’intérêt général ». En bref, nos modèles associatifs sont has been, peu performants, entachés d’amateurisme, vive le modèle entrepreneurial !

Pour lui, c’est le titre d’un de ses livres « l’entreprise va changer le monde » en s’appuyant justement sur cette notion floue d’entrepreneuriat social qui en réalité recouvre des statuts multiples dont une majorité d’associations.

Dans une étude récente de L’Injep, il est noté : « Cette valorisation de la complémentarité entre entreprises à capitaux et associations induit une « neutralisation d’éventuels conflits, une absence de critique des rapports de pouvoir et plus largement une dépolitisation des pratiques ».

Cette vision de l’entrepreneuriat social organise un écosystème qui se revendique de l’économie sociale et solidaire tout en lui retirant sa sève : une critique radicale du capitalisme et sa capacité à remettre l’économie à sa place et à montrer qu’il existe une multiplicité d’organisations qui ne relèvent pas de la rationalité marchande.

L'entrepreneuriat social modifie en profondeur le secteur de l'économie sociale et solidaire comme le décrit Paul Moutard-Martin, dans la revue RFAS sur la marchandisation des associations : "La définition par les statuts associatifs, mutualistes et coopératifs, qui ont structuré la représentation du secteur en "familles" de "l'économie sociale" depuis les années 70, est écartée au profit d'une vision qui valorise la mise en oeuvre de pratiques gestionnaires et commerciales issues du secteur privé lucratif et appelle à développer un "langage de la preuve" permettant de démontrer l'efficacité économique autant que sociale des organisations "